• Frigorifié

    Il sombre entre rêves et cauchemars,
    fuyant la peur, qui lui colle au corps.
    La cellule est petite, sombre,
    et nauséabonde.
    Il ne compte plus les jours,
    il ne peut les voir défiler,
    le noir est omniprésent,
    dans cette cellule  oppressante.
    Mais il ignore si c'est bien une cellule, une cage ou une simple boîte,
    dans laquelle il ne peut même pas tenir assis.
     
    Il se souvient à peine de sa vie d'avant.
    Il en oublie presque qui il est.
    A certains moments son esprit déconnecté de la réalité,
    ne parvient plus à raisonner.
    La soif est permanente, la faim dévore ses entrailles.
    Les sons semblent venir de l'intérieur de ses chairs affamées.
    Les gargouillis incessants, les chuintements et les crissements lui vrillent le crâne.
    Et quand le bruit de la clé dans la serrure se fait enfin entendre,
    il est à l'affût de la moindre odeur qui réveille son appétit inassouvi.
    Mais seul des voix étouffées lui parviennent.

    Ce réveil est différent. A l'horizontal, son corps lui semble si lourd et à la fois si léger, étrange impression. Combien de temps à t-il dormi d'un sommeil sans rêve?
    Une heure, des jours, ou simplement quelques minutes?
    Sensation de froid qui a engourdi ses membres, qui lui paraissent absents.
    il est toujours dans le noir mais il ne parvient pas à bouger. Même ses yeux refusent de s'ouvrir, ses paupières demeurent scellées malgré tous ses efforts.
    Le froid est de plus en plus insupportable.
    Quand viendra le bourreau pour lui asséner le coup de grâce?
    Il sait que l'issue ne lui est pas favorable.
    Seul un psychopathe peut retenir un homme, pour le torturer ou le laisser mourir de faim et de froid, dans le noir total, le corps entravé.
     
    Quelque chose s'est passé pendant qu'il comatait.
    Il savait que le sommeil serait son ennemi,
    mais il n'a pu lutter contre.
    Une odeur d'éther l'intrigue depuis son énième réveil.
    Elle n'est pas très forte mais bien présente.
    Et un autre détail l'invite à penser qu'il n'est plus enfermé au même endroit:
    sa paillasse parait moins dure, presque moelleuse.
    Il est certainement allongé sur un lit et cela le rassure un peu.
     
    Tant d'interrogations, mais personne pour lui répondre.
    Plus de son, plus de douleur, plus de peur.
    Son esprit et son corps sont déconnectés.
    Son tortionnaire l'a t-il enfin libéré?
    Alors pourquoi ce sentiment d'abandon?
    Et ces questions qui le taraudent:
    Où est-il? et pourquoi ne voit-il toujours pas?
    Aurait-il perdu la vue?
    serait-il dans un lit d'hôpital?
    Mais aucun son ne sort de sa bouche quand il tente d'articuler des mots qui refusent de sortir.
     
    Il pleut depuis des jours, ce qui rend leur travail difficile. Ils ont hâte d'en finir. Cinq dans la même journée, c'est  éprouvant dans ces conditions.
    La terre est lourde, compacte et le trou est grand.
    Ils n'ont que peu de temps avant que la nuit tombe.
    Ils s'activent à grands coups de pelletées.
    C'est le dernier et ils ne sont pas prêts d'oublier.
    Personne pour accompagner celui-ci.
    Juste la pluie et le froid.
     
    Des jours qu'il doivent être enterrés.
    Des nuits blanches pour le légiste qui a pratiqué les autopsies.
    Disséqués, étudiés, congelés, puis enfin mis en bière.
    Que d'heures gâchées à tenter d' analyser le cerveau d'un psychopathe.
    Vivant il aurait été  un sujet d'étude passionnant.
    Mort, il n'a été que perte de temps.
    Sans compter qu'il a dû composer avec l' autre macchabée.
    Un homme qui s'est donné la mort par pendaison, dans une cave. Retrouvé plusieurs jours après son décès, par un habitant de l'immeuble.
    Côtes à côtes, les deux hommes pourraient passer pour des frères,
    même taille, âge et corpulence; seule distinction: l'état de décomposition.
    Et il vient d'apprendre qu'ils seront enterrés dans le même cimetière.
     
    La pluie glisse sur ses joues froides,
    comme un ruisseau, elle coule sur ses lèvres, puis dans son cou,
    pour finir sa chute sur l'oreiller de satin blanc.
     
    Il ne sait plus, il ne sent plus.
    Il n'est plus.
    Il l'a enfin laissé partir.
     
     
      Frigorifié.


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